Blog consacré aux littératures africaine et caribéenne. En sommeil depuis octobre 2010.

jeudi 28 mai 2009

« Verre Cassé » en représentation aux Etonnants Voyageurs, à Saint-Malo


L’édition 2009 du Festival international du livre et du film Etonnants Voyageurs se déroule du 30 mai au 1er juin à Saint-Malo. A cette occasion, une grande soirée événement a lieu le soir du dimanche 31 mai, avec la représentation exceptionnelle de Verre Cassé, la pièce de théâtre tirée du roman du même nom d’Alain Mabanckou (premier lauréat du prix Ouest-France Etonnants voyageurs en 2005).

Adapté à la scène en France par le musée Dapper sous la direction de Gerty Dambury, cette pièce est jouée par Tadié Tuéné (Une saison de machettes mis en scène par Dominique Lurcel, L’Ivrogne dans la brousse adapté par Philippe Adrien…) et Jean Bédiébé (Chocolat de Claire Denis, Kirikou et les Bêtes sauvages de Michel Ocelot et Bénédicte Gallot…).

J’avais vu cette pièce en décembre dernier au musée Dapper, à Paris. On y retrouve toute la truculence du roman, dont je résumais ainsi l’intrigue il y a quelque temps : « Un habitué d’un bar congolais crasseux – Le Crédit a voyagé – se voit remettre par le patron un cahier dans lequel écrire les anecdotes pittoresques et décrire les personnages picaresques du troquet. » Sur scène, les deux comédiens incarnent à eux seuls toute cette galerie de personnages, à grands renforts de dialogues loufoques, de passages chantés et de tirades interminables et savoureuses – deux qualificatifs qui, soit dit en passant, siéent à merveille à la scène mémorable du concours du pipi le plus long…

Pour réserver vos places, c’est ici.

Verre Cassé d’après le roman d’Alain Mabanckou
Adaptation et mise en scène de Gerty Dambury
Avec Jean Bédiédé et Tadié Tuéné
Une création du Musée Dapper
Dimanche 31 mai au Théâtre de Saint-Malo
6, place Bouvet - 35400 Saint-Malo
Tarif unique : 20 € ; - 16 ans : 5 €

Côté littérature afro-caribéenne, on trouve parmi les écrivains invités au festival, par ordre alphabétique (et j’en oublie sûrement !) :
- le Nigérian Biyi Bandele (La Drôle et Triste Histoire du soldat Banana, Grasset, 2009)
- le Haïtien Louis-Philippe Dalembert (Le Roman de Cuba, éditions du Rocher, 2009)
- le Rwandais Gilbert Gatore (Le Passé devant soi, Phébus, 2008)
- le Malien Moussa Konaté (La Malédiction du Lamantin, Fayard, 2009)
- la Haïtienne Yanick Lahens (La Couleur de l’aube, éditions Sabine Wespieser, 2008)
- le Congolais Alain Mabanckou (Black Bazar, Seuil, 2009)
- le Sénégalais Souleymane Mbodj (Contes d’Afrique pour les tout-petits, Milan, 2008)
- le Franco-Congolais Wilfried N’Sonde (Le Cœur des enfants léopards, Actes Sud, 2007)
- le Haïtien Lyonel Trouillot (Eloge de la contemplation, Riveneuve, 2009)
- le Djiboutien Abdourahman Waberi (Aux Etats-Unis d’Afrique, Lattès, 2006)


A noter également : le samedi, les Martiniquais Patrick Chamoiseau (Les Neuf Consciences du Malfini, Gallimard, 2009) et Edouard Glissant (Philosophie de la relation, Poésie en étendue, Gallimard, 2009) vous donnent rendez-vous à 16 h 15 à la salle Maupertuis sur le thème « Esthétique et politique du Tout-Monde ».

Le reste de la programmation du festival – et Dieu sait qu’elle est riche ! – est consultable ici.

lundi 18 mai 2009

Manthia Diawara, un écrivain malien à New York


Manthia Diawara est écrivain,
cinéaste et professeur de littérature et de cinéma à l’université de New York. En novembre 2008, l’émission « B. World Connection » (RFO-Guadeloupe) s’est rendue dans la Grosse Pomme pour s’y laisser guider par cet « esprit libre » actif au sein de la communauté afro-américaine.

Manthia Diawara y raconte comment sa littérature est née d’exil et de rencontres, à Paris puis aux Etat-Unis. Il évoque la « Harlem Renaissance », qui constitua les prémices nord-américaines de la Négritude. Il nous conduit de la Schomburg Library, centre documentaire de référence sur la culture noire, au département d’études africaines qu’il a créé. Et, bien entendu, partage ses sentiments aux lendemains de l’élection de Barack Obama.

Itw Manthia Diawara (B World Connection - France Ô) - Voila
B World Connection - Manthia Diawara : Le cinéma africain au coeur de New York. L'équipe de BWC se rend a NYC pour rencontrer cet écrivain, cinéaste et professeur d'histoire du cinema africain dans une prestigieuse université américaine. Originaire du Mali, il nous raconte son parcours.

mercredi 6 mai 2009

Hommage à Suzanne Césaire, au musée Dapper, à Paris


A l’occasion de la parution du Grand Camouflage (Seuil, 2009), sous la direction de Daniel Maximin, le musée Dapper des arts de l’Afrique, des Caraïbes et de leurs diasporas, rend hommage, jeudi 7 mai à 19 heures, à l’écrivaine Suzanne Césaire (1915-1966), l’épouse d’Aimé Césaire.

Dans Le Grand Camouflage, l’écrivain guadeloupéen Daniel Maximin (photo) a rassemblé sept articles écrits entre 1941 et 1945 par Suzanne Césaire dans Tropiques, la revue littéraire la plus importante des Antilles. « Sept textes, indique le musée, sur les thèmes de la poésie, du surréalisme, des Antilles et des racines africaines, qui manifestent avec force l’entrée des cultures antillaises dans la modernité politique et littéraire, la rupture brutale et ironique avec les traditions doudouistes des écrits coloniaux, et l’ouverture à tous les vents artistiques des Amériques, d’Europe et d’Afrique. »

La seconde partie du recueil se fait l’écho des rencontres entre Suzanne Césaire et des intellectuels comme André Breton, Claude Lévi-Strauss, Pierre Mabille, André Masson, Wifredo Lam et Jacqueline Lamba.

Au cours de cette rencontre avec Daniel Maximin, les comédiens Léonie Simaga et Paul Borne liront des extraits de textes de Suzanne Césaire.

Hommage à Suzanne Césaire
Musée Dapper
35 bis, rue Paul-Valéry, Paris-16ème
Jeudi 7 mai à 19 heures

A lire :
Le Grand Camouflage, Ecrits de dissidence
textes de Suzanne Césaire
Seuil, 2009
123 p., 14 euros


Source : Musée Dapper

mardi 5 mai 2009

« Complices de l’inavouable », de Patrick de Saint-Exupéry


Ce n’est pas le livre d’un auteur africain, ce n’est même pas un roman. Mais, venant de refermer Complices de l’inavouable (2009) de Patrick de Saint-Exupéry, je ne pouvais faire l’impasse sur cet essai implacable dont le sous-titre est : La France au Rwanda. Tout un programme…

Le Rwanda, Patrick de Saint-Exupéry, alors journaliste au Figaro, y était en 1990 puis en 1994, pendant le génocide qui fit quelque 800 000 morts entre le 6 avril, date de l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, et le 22 juin, date de lancement de l’opération Turquoise. Dans Complices de l’inavouable, il explique la politique secrète menée au Rwanda avant, pendant et après le génocide, par quelques responsables des pouvoirs politique et militaire français. Ou comment la France forma, arma et protégea les tueurs.

A cette époque, François Mitterrand est président de la République, Edouard Balladur est Premier ministre, Alain Juppé est aux Affaires étrangères, François Léotard à la Défense. Ces noms s’étalent sur la couverture du livre, accompagnés de beaucoup d’autres : le juge Jean-Louis Bruguière, le gendarme Paul Barril, le journaliste Pierre Péan, mais aussi Hubert Védrine, Jean-Christophe Mitterrand… Autant de « complices de l’inavouable », autant de noms que pourrait salir la vérité sur le rôle de la France dans le génocide rwandais, autant d’acteurs d’un « jeu de cache-cache » qui n’a que trop duré.

Complices de l’inavouable est une réédition revue et augmentée de L’Inavouable, la France au Rwanda, paru en 2004. Fruit d’un travail de dix ans, d’une enquête qui a mené l’auteur des collines rwandaises jusqu’aux cabinets ministériels français, ce premier ouvrage a eu pour élément déclencheur une phrase prononcée en septembre 2003 par Dominique de Villepin sur RFI, une phrase mentionnant « les génocides » rwandais.

« Les génocides » rwandais. Ce pluriel est insupportable pour l’auteur, car il cache une logique de négation du génocide perpétré par les Hutus contre les Tutsis. Une logique qu’ont pourtant faite leur le juge Bruguière – dont le rapport sur l’attentat contre l’avion d’Habyarimana, sorti en 2006, met en cause des membres du Front patriotique rwandais (FPR, tutsi) dont l’actuel président rwandais Paul Kagame – et le journaliste d’investigation Pierre Péan – auteur de Noires fureurs, blanc menteurs (Mille et une nuits, 2005), dans lequel il réfute les accusations portées contre la politique française au Rwanda, et du Monde selon K. (Fayard, 2009), dans lequel, selon Patrick de Saint-Exupéry, le journaliste cherche à « carboniser » Bernard Kouchner, l’actuel ministre des Affaires étrangères, coupable aux yeux de Péan d’être l’un des rares hommes politiques à reconnaître que la France a commis au Rwanda « une erreur criminelle ».

Ce n’est pas un roman, disais-je, mais cet essai, ce réquisitoire est doté de qualités littéraires certaines. Complices de l’inavouable est écrit sous la forme d’une longue lettre ouverte à Dominique de Villepin, que Patrick de Saint-Exupéry appelle « Monsieur » et qu’il prend par la main et entraîne avec lui, en même temps que le lecteur, « quelque part, là-bas, il y a longtemps ». Soit dans le Rwanda de 1994.

Ensemble, le 1er juillet, sur la colline de Bisesero devenue un charnier à ciel ouvert, ils voient un officier du GIGN portant une vareuse de l’armée rwandaise, s’effondrer, en pleurs. Le doute, le soupçon, commencent à s’instiller en eux. C’est le début d’une quête qui les mènera à Kibuye, au bord du lac Kivu, parmi les soldats d’une opération Turquoise dite « humanitaire » mais dotée de moyens militaires sans commune mesure avec sa prétendue mission ; à Goma, en République démocratique du Congo, enfer peuplé de zombies où se sont réfugiés, sous protection française, les génocidaires ; à Paris, bien plus tard, à l’Assemblée nationale, dans les débats de la mission d’information sur le Rwanda (1998). Et de recueillir des témoignages, de rassembler les pièces du puzzle, pour démonter la coupable position de bienveillance du pouvoir français à l’égard des extrémistes hutus, génocidaires certes, mais amis de la France : en un mot, la « famille ».

Derrière la mise en scène, derrière le récit, derrière l’écriture, restent les faits : précis, effarants, accablants.

Complices de l’inavouable
de Patrick de Saint-Exupéry
Les Arènes, 2009 (réédition)
314 p., 19,80 euros

Patrick de Saint-Exupéry est cofondateur et rédacteur en chef de la revue XXI, après avoir été grand reporter pendant vingt ans au Figaro. Il a reçu le prix Albert-Londres, le prix Mumm et le prix Bayeux des correspondants de guerre.








A lire également :
La trilogie de Jean Hatzfeld, parti à la rencontre des Rwandais au lendemain du génocide. Dans le premier tome, il retranscrit les récits des rescapés tutsis ; dans le deuxième il donne la parole aux tueurs hutus emprisonnés ; dans le troisième, il revient à Nyamata alors que, au nom d’une politique de réconciliation, tueurs et survivants sont condamnés à cohabiter.
Dans le nu de la vie, Seuil, 2000
Une saison de machettes, Seuil, 2003
La Stratégie des antilopes, Seuil, 2007