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mardi 24 novembre 2009

« Les Derniers de la rue Ponty », de Sérigne M. Gueye


C’est un livre qui ne pouvait pas laisser insensible ma curiosité. D’une part parce qu’il se déroule à Dakar, ville dans laquelle j’ai eu la chance de séjourner assez longuement. D’autre part parce que son auteur, Sérigne Mbaye Guèye, est plus connu sous son nom de rappeur, Disiz La Peste, et que j’ai moi-même, avant de m’intéresser à la littérature, touché brièvement au rap (pour les plus curieux, quelques morceaux sont en écoute ici). Bref, j’étais curieux d’observer le passage à l’écriture romanesque de l’amoureux des mots qu’un rappeur ne peut manquer d’être.

Avant de commencer la lecture des Derniers de la rue Ponty, j’ai entendu une critique plutôt négative d’Eric Naulleau, sur France 5, disant notamment que ce livre ne répondait pas aux attentes que suscite tout premier roman (on retrouve des propos similaires sur une vidéo de l’émission « On n’est pas couché », sur France 2). Personnellement, je ne ferai pas mien ce reproche, au contraire. Pour tout dire, j’ai été conquis.

Certes, je manque peut-être d’objectivité. Les Derniers de la rue Ponty ont trouvé en moi un terreau favorable. Car ce roman, écrit par un auteur français d’origine belgo-sénégalaise, évoque de nombreux lieux incontournables de la presqu’île du Cap-Vert – la place de l’Indépendance, la plage des Mamelles, l’île de Ngor… – et, partant, flatte les souvenirs de tout lecteur un peu familier de Dakar.

Le héros du livre, Gabriel, se trouve lui-même dans la capitale sénégalaise en tant que « visiteur ». Un visiteur un peu particulier, cependant, puisqu’il est un « ange » venu de France et envoyé là en mission après la mort de Camille, sa compagne. Cette mort le hante et, pour conjurer le sort, un marabout lui donne pour mission de sauver deux existences. Il prendra alors sous son aile deux femmes croisées au cours de ses pérégrinations dans Dakar : Salie, une jeune et belle métisse d’origine franco-sénégalaise, cheveux décolorés et vêtements flashy style années 80, perdue, sans parents, sans avenir ; et Emma, une Française au cœur fané, qui a perdu la foi en même temps que l’espoir d’avoir un jour un enfant.

Parallèlement, d’autres destins peuplent la ville et l’histoire des Derniers de la rue Ponty : Alioune, jeune vendeur de téléphones du marché Sandaga, candidat à l’émigration clandestine et séducteur invétéré, tombe sous le charme de la sublime, envoûtante et si indépendante Miyidima. Ces destins croiseront bientôt ceux de Salie et Emma, sans que jamais les personnages ne se rencontrent.

Ce livre peut paraître au premier abord un peu « angélique ». Il n’en est rien. Page après page, on est happé par les destinées de personnages auxquels on ne peut rester insensible : destinées tour à tour magiques et terribles, les yeux scintillent puis s’embuent. Avec une écriture à la fois classique et lumineuse, très pure et parsemée de belles trouvailles, Sérigne M. Gueye nous immerge dans un monde potentiellement beau, souvent dur, certainement complexe, où l’existence de chacun est intimement liée à celle des autres… et dont l’équilibre, hélas, se nourrit autant de joies que de peines.

Une histoire captivante, une écriture saisissante, un regard sur le monde : Les Derniers de la rue Ponty ont tout pour être un bon premier roman. Le passage du rap à la littérature est réussi.

Les Derniers de la rue Ponty
de Sérigne M. Gueye
Naïve, 2009
219 p., 18 euros

Sérigne Mbaye Guèye est né en 1978 à Amiens, d’une mère belge et d’un père sénégalais. Il s’est fait connaître comme rappeur sous le nom de Disiz La Peste, au sein du groupe Rimeurs à gages, mais c’est la bande originale du film Taxi 2, début 2000, qui l’a révélé au grand public. Suivront quatre albums solo : Le Poisson rouge (2000), Jeu de société (2003), Les Histoires extraordinaires d’un jeune de banlieue (2005) et Disiz The End (2009). Le titre de ce dernier album semble indiquer la fin de sa carrière de rappeur. A noter : avant de reprendre son nom de naissance pour signer son premier roman, Sérigne Mbaye a sorti plusieurs cassettes au Sénégal sous ce nom.


Et pour finir, je ne résiste pas à l’envie de passer un clip du dernier album de Disiz. La chanson s’appelle « Bête de bombe 4 » et, vous le verrez, est pleine de dérision…


Disiz - Bête de Bombe 4
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4 commentaires:

  1. Décidément, voici un blog fort intéressant. Je note ce titre que j'ai fort envie de découvrir désormais.

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  2. Merci ! (pour Encres noires et pour Disiz !)...

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  3. trés belle lecture/critique du premier roman disiz...vien juste de terminé de le lire ya 2 jours

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  4. Tres belle critique et merci a vous pour cette initiative de faire connaitre la lecture africaine plus précisément sénégalaise.

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