Ce n’est pas la Guinée – en tout cas ça n’est pas dit –, mais ça y ressemble fortement (du moins à celle d'avant 1984). L’histoire du Jeune Homme de sable (1979), de l’écrivain guinéen Williams Sassine, prend place dans un pays d’Afrique dirigé par un « Guide » tyrannique et paranoïaque – comment ne pas penser à Sékou Touré (1922-1984) ? Le roman met en scène un jeune homme, Oumarou, en révolte contre le pouvoir.
Poèmes litigieux, jets de mottes de terre sur un ambassadeur et autres rebuffades ont valu à Oumarou d’être plusieurs fois exclu de son lycée. « Heureusement », son père, député, a toujours été là pour rattraper ce qu’il croit être des erreurs de jeunesse, et trouver des boucs émissaires qui en payent le prix ; ses leçons empreintes d’une sagesse relative enjoignent son fils de revenir sur le bon chemin – celui de la soumission. Oumarou, lui, préfère les leçons particulières du proviseur du lycée, Tahirou, qui ne cache pas son opposition au « Guide », au « Lion »… ce qui lui vaudra d’être arrêté et mis en prison.
Le Jeune Homme de sable est imprégné d’une certaine léthargie, d’une chaleur étouffante, engourdissante, assommante, comme Oumarou est imprégné du vin qui l’aide à mener ses journées d’un bout à l’autre. Dictature et pauvreté : l’équation de l’impuissance. Comme dans un rêve, les personnages du roman semblent mus, ou plutôt paralysés, par une force supérieure à leur volonté ; comme dans le rêve halluciné d’Oumarou qui ouvre superbement le roman (allez savoir pourquoi, ce passage m’a fait penser à du Burroughs…). De cette atonie, Oumarou ne semble s’échapper que lorsqu’il entend, au plus frais de la nuit, Bandia, le vieux serviteur, jouer de la kora. Ou quand « la bête » qui est en lui se réveille, le poussant à se libérer de ses chaînes.
Et pendant ce temps, sous le soleil impitoyable, le désert gagne du terrain – symbole de la décadence qui ronge le pays (un peu comme la montagne de déchets imaginée plus tard, en 2006, par Ken Bugul dans La Pièce d’or). Les révoltes, les complots contre le tyran échouent. Mais dans ces échecs, dans ces ratés, il y a cependant l’espoir, mince et pur comme un filet de sable, que la jeune génération, consciente des errements, des erreurs, des hérésies de ses pères, ne les reproduira pas.
Roman difficile, à l’écriture riche et tout ce qu’il y a de moins linéaire, Le Jeune Homme de sable est à ranger parmi les classiques de la littérature africaine. Et malgré les années, le propos de Williams Sassine n’a pas pris une ride.
Le Jeune Homme de sable
de Williams Sassine
Présence africaine, 1979
218 p., 6,10 euros
D’autres chroniques du Jeune Homme de sable sur les blogs Chez Gangoueus et La Plume francophone.
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