Au rythme d'un bouquin par mois, je propose à qui voudrait s'initier à la littérature africaine (et antillaise) contemporaine de tenir jusqu'en avril 2011... (ça n'est pas mon programme de blogueur, simplement une suggestion de lectures). Voici en effet une sélection de 12 titres parus depuis le 1er janvier 2010. On y trouve des pointures (Emmanuel Dongala), des auteurs qui montent (Wilfried N'Sondé) et un petit nouveau (Jérôme Nouhouaï).
Notons que Gallimard est aux avant-postes, avec cinq oeuvres publiées dans sa collection « Continents noirs », parfois qualifiée de « ghetto » pour auteurs africains mais qui prouve ici son dynamisme. Suivie de près par Actes Sud et Le Serpent à plumes (trois livres chacun).
Anticorps
de Fabienne Kanor (Martinique)
Gallimard, 2010
168 p., 15,90 euros
Présentation de l'éditeur :
« Il n'y a rien, dans mes mots, qui puisse s'inscrire dans ton programme, ce plan de fin de vie que tu as cru bon de fixer, qu'au fil des ans, patiemment, presque sournoisement, tu as échafaudé, à seule fin de t'en tirer. Où te figures-tu donc aller ? Combien de points vieillesse as-tu mis de côté ? » Après quarante ans de mariage, Louise se décide enfin à désobéir. L'histoire d'une liberté provisoire conquise au mépris des bonnes manières. Le bilan drôle et cruel de toute une vie de rébellions étouffées, porté par une écriture à poigne.
Le Corps rebelle d'Abigail Tansi
de Chris Abani (Nigeria)
Albin Michel, 2010
160 p., 17 euros
Présentation de l'éditeur :
Hantée par le fantôme de sa mère morte en couches, Abigail, une adolescente nigériane dotée d’une force de caractère peu commune, est envoyée par son père à Londres chez des cousins. Mais loin d’y trouver la paix, elle plonge bien vite dans un enfer de solitude. Habile à mobiliser les pouvoirs attachés au spectre maternel pour survivre, elle va devoir payer sa résistance au prix fort… Tout à la fois lyrique et dépouillée, forgée aux rythmes et aux cadences de son pays natal, la prose de Chris Abani sublime l’expérience de la souffrance humaine en une méditation profonde sur la perte, l’abandon et la solitude. Par-delà la tragédie, Le Corps rebelle d’Abigail Tansi est un chef-d’oeuvre de poésie et de sensualité.
Le Diable dévot
de Libar M. Fofana (Guinée)
Gallimard, 2010
186 p., 16 euros
Présentation de l'éditeur :
Dans l'incapacité pécuniaire d'effectuer un pèlerinage à La Mecque, l'imam Galouwa craint d'être remplacé par un jeune hadji qui convoite sa place et ses privilèges. Un octogénaire lui propose le prix d'un billet d'avion en échange de sa fille Hèra, âgée de 13 ans. Vendre la chair de sa chair au diable pour conserver sa religieuse fonction ? Ce marché horrible ne plonge pas du tout Galouwa dans les affres d'un choix impossible. Le Diable dévot est un roman d'une rare et cruelle lucidité, une tranche de vie vraie coupée dans la peau d'une jeune fille pour la plus grande gloire de Dieu, diraient d'autres religieux dans une autre religion. Un déchirant sacrifice, une passion portée par une écriture cristalline à en émouvoir jusqu'à la pierre carrée de La Mecque.
Exils
de Nuruddin Farah (Somalie)
Le Serpent à plumes, 2010
384 p., 23 euros
Présentation de l'éditeur :
Après vingt ans d'exil à New York, Jeebleh décide de retourner en Somalie, son pays. Au programme : trouver la tombe de sa mère et aider son ami d'enfance Bile à récupérer Raasta, sa fille enlevée. Mais quand il débarque à Mogadiscio, Jeebleh se rend compte que la situation a radicalement empiré. Les clans ont divisé le pays, les adolescents prennent les gens pour des cibles et les Américains ont la gâchette facile. La tâche de Jeebleh est complexe, d'autant qu'on se méfie de lui. A quel clan appartient-il aujourd'hui ? Dans ce monde chaotique où rien ni personne n'est ce qu'il paraît, où chaque mot peut être une bombe, la petite Raasta, nommée la Protégée, représente l'espoir. Ses mots, sa présence sont le seul réconfort de ce peuple de vautours gouverné par la peur.
L'Iguifou
de Scholastique Mukasonga (Rwanda)
Gallimard, 2010
120 p., 13,50 euros
Présentation de l'éditeur :
L'Iguifou, c'est le ventre insatiable, la faim, qui tenaille les déplacés tutsi de Nyamata en proie à la famine et conduit Colomba aux portes lumineuses de la mort... Mais à Nyamata, il y a aussi la peur qui accompagne les enfants jusque sur les bancs de l'école et qui, bien loin du Rwanda, s'attache encore aux pas de l'exilée comme une ombre maléfique... Après le génocide, ne reste que la quête du deuil impossible, deuil désiré et refusé, car c'est auprès des morts qu'il faut puiser la force de survivre. L'écriture sereine de Scholastique Mukasonga, empreinte de poésie et d'humour, gravite inlassablement autour de l'indicible, l'astre noir du génocide.
Monsieur Ki
de Koffi Kwahulé (Côte d'Ivoire)
Gallimard, 2010
145 p., 16 euros
Présentation de l'éditeur :
« Toujours est-il que je ne me sens à l'aise qu'avec les Blancs racistes ; avec eux je suis confiant, je sais à quoi m'en tenir, je sais où je mets les pieds. (...) En revanche, je me méfie de ceux qui ont un ami sénégalais ou camerounais, les Monsieur-moi-je-connais-bien-les-Noirs, les Monsieur-moi-j'ai-passé-vingt-ans-en-Afrique, qui n'écoutent que Miles Davis ou Tiken Jah Fakoly, qui ne jurent que par la spontanéité et l'élégance naturelle des nègres. (...) Je ne mets pas en doute leur sincérité, mais ils me foutent mal à l'aise, c'est tout. » Voici un roman fou qui révèle, plus que les sages, notre monde, au premier, au deuxième, au trentième degré !... Roman-rhapsodie, Monsieur Ki chante et nous enchante pour caresser à rebrousse-poil notre temps...
L'Or des rivières
de Nimrod (Tchad)
Actes Sud, 2010
125 p., 13 euros
Présentation de l'éditeur :
Revenant au pays comme chaque année pour visiter sa mère, Nimrod emprunte aux premières lueurs de l'aube les ruelles ocre de son quartier d'antan. Par-delà les années la vieille dame n'a pas bougé, et pour son fils exilé, voyageur lettré de passage en ce monde dont elle préserve l'intemporelle réalité, un sentiment soudain se précise : « C'est ma mère qui invente ce pays. » A partir de ce subtil hommage, Nimrod déploie, dans une succession de tableaux, des récits dans lesquels il réenchante les bonheurs passés et revient aux origines de son tempérament contemplatif, comme si dans l'enfance il percevait déjà l'inévitable départ et dès lors s'efforçait de préserver en lui un refuge aux dimensions de l'univers : la poésie est fille de mémoire.
Photo de groupe au bord du fleuve
d'Emmanuel Dongala (Congo-Brazzaville)
Actes Sud, 2010
333 p., 22,80 euros
Présentation de l'éditeur :
Elles sont une quinzaine à casser des blocs de pierre dans une carrière au bord d'un fleuve africain. Elles viennent d'apprendre que la construction d'un aéroport a fait considérablement augmenter le prix du gravier, et elles ont décidé ensemble que le sac qu'elles cèdent aux intermédiaires coûterait désormais plus cher. Malgré des vies marquées par la pauvreté, la guerre, les violences sexuelles et domestiques, l'oppression au travail et dans la famille, les « casseuses de cailloux » découvrent la force collective et retrouvent l'espoir. Par sa description décapante des rapports de pouvoir dans une Afrique contemporaine dénuée de tout exotisme, Photo de groupe au bord du fleuve s'inscrit dans la plus belle tradition du roman social et humaniste, l'humour en plus.
Le Piment des plus beaux jours
de Jérôme Nouhouaï (Bénin)
Le Serpent à plumes, 2010
338 p., 19 euros
Présentation de l'éditeur :
Nelson est un étudiant en deuxième année de droit. Il partage un deux-pièces avec deux autres étudiants : Jojo, sapeur, obsédé par les filles et l'argent, et Malcolm, intellectuel panafricain qui rumine de sombres pensées : les Libanais sont la gangrène du pays, explique-t-il, ils sont avides, racistes, sans foi ni loi. Un commerçant libanais est attaqué, battu. La boutique d'un autre incendiée. Un troisième est enlevé, retrouvé mort. Nelson soupçonne Malcolm, tandis qu'un groupe clandestin, le Calice noir, revendique les agressions contre des Libanais... Voici le cadre posé de ce premier roman foisonnant, avec pour question centrale : Où commence la xénophobie ? Un texte drôle, cruel et ironique. Une langue qui vaut le détour. Un portrait subtil et cru du Bénin d'aujourd'hui.
Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au porc de le dire
de Florent Couao-Zotti (Bénin)
Le Serpent à plumes, 2010
202 p., 16 euros
Présentation de l'éditeur :
Il y a d'abord une miss, belle et longiligne, qu'on retrouve mutilée sur la berge de Cotonou. Il y a ensuite une autre galante, toute aussi irrésistible, qui vient proposer à un homme d'affaires libanais d'échanger de l'argent contre une valise de cocaïne. Il y a enfin un détective privé, contacté par une troisième chérie, qui voudrait un acquéreur pour la même poussière d'ange... Mais les nuits à Cotonou ont de multiples saveurs, qu'elles proviennent des fantômes teigneux, des amazones ou des populations elles-mêmes. Des gens qui aiment se rendre justice et charcuter au couteau tous ceux qui, dans leurs quartiers, sont surpris en flagrant délit de « pagaille nocturne ».
Le Silence des esprits
de Wilfried N'Sondé (France, Congo)
Actes Sud, 2010
170 p., 17 euros
Présentation de l'éditeur :
Terrorisé par un contrôle de police sur les quais de la gare de Lyon, Clovis Nzila vient de sauter dans un train de banlieue. Sans-papiers, clandestin, il s'assied au hasard d'un wagon surchauffé et tente de maîtriser sa peur. Face à lui, une femme l'observe, accepte en retour ses regards indiscrets, ne semble pas effrayée par sa triste apparence. Attentive, elle engage la conversation, perçoit le désespoir de ce jeune Africain... Ensemble, ils vont plonger sans retenue dans un mirage, convaincus de renaître des cendres du passé. Après Le Coeur des enfants léopards, un premier roman très remarqué, Wilfriel N'Sondé nous livre ici le récit d'une rencontre sur le mode d'une ballade sombre et lumineuse.
Ténèbres à midi
de Théo Ananissoh (Togo)
Gallimard, 2010
138 p., 13,90 euros
Présentation de l'éditeur :
Eric Bamezon, conseiller à la présidence de la République, convie le narrateur, un soir, à dîner. On s'attend à une rencontre avec un homme satisfait de sa vie et heureux de sa réussite; on découvre, à mesure qu'avance la nuit, un être pris dans un piège aux motifs obscurs... Ténèbres à midi est un roman où percent une ironie et une lucidité rares ; c'est le récit épuré et sans concession d'une perception de soi et de ses origines. Au-delà d'une histoire située en Afrique, c'est une question ni caduque ni réservée aux autres que reprend ici l'auteur : comment se conduire en homme ou femme de conscience dans un temps de cruauté généralisée ?
Exils est sur ma Pal. J'ai lu et aimé le Couao-Zotti. Et suis très tentée par le nouveau Dongala et le Nouhaï.
RépondreSupprimerMerci pour le panorama.
Pour ma part, le Nouhouaï est arrivé sur mon étagère, mais pas encore lu. J'ai bien envie de me laisser tenter par le Couao-Zotti également (d'ailleurs ton commentaire fait saliver), et par "Monsieur Ki", de Koffi Kwahulé. Par contre, un extrait du Dongala lu dans "Jeune Afrique", ainsi qu'une critique dans "Le Monde des livres", m'ont laissé perplexe... alors que j'avais adoré "Jazz et vin de palme".
RépondreSupprimer