Blog consacré aux littératures africaine et caribéenne. En sommeil depuis octobre 2010.

mercredi 24 février 2010

Camara Laye


Camara Laye est né en 1928 à Kouroussa, dans l'actuelle Guinée, alors colonie française. Son père, forgeron malinké réputé, encourage le jeune Laye à suivre des études à l'école française (notons d'ailleurs que, comme Sembène Ousmane, Camara Laye a inversé ses nom et prénom, fidèle en cela à la tradition scolaire française) et, bientôt, une fois obtenu son certificat d'études, le jeune garçon quitte Kouroussa pour la capitale Conakry, où il suit l'enseignement technique de l'école Georges-Poiret. Il y décroche un CAP de mécanicien et, en 1947, part pour la France en vue d'y devenir ingénieur. Il subsiste alors de petits boulots aux Halles puis à l'usine Simca.

C'est là qu'il se met à l'écriture et, dès 1953, paraît son premier roman, très autobiographique, L'Enfant noir, dans lequel il évoque son enfance guinéenne. Ce roman fut très apprécié en France mais, dans l'Afrique des combats anticoloniaux, on lui reprocha parfois d'avoir donné une image excessivement bienveillante de l'Afrique coloniale. Cela n'empêcha pas Camara Laye de publier l'année suivante Le Regard du roi, récit allégorique et initiatique dont le héros, un Blanc rejeté par ses compatriotes, tente d'accéder à la sagesse profonde de l'Afrique.

En 1956, Camara Laye retourne en Afrique, au Dahomey puis au Ghana où il enseigne et se lie d'amitié avec Kwame Nkrumah. En 1958, la Guinée obtient son indépendance et Camara Laye en devient l'ambassadeur au Ghana. Par la suite, il exerce aussi des fonctions importantes au ministère de l'Information, avant de prendre ses distances avec le régime d'Ahmed Sékou Touré dont il dénonce la dérive dictatoriale dans Dramouss (1966).

Camara Laye s'exile alors à Dakar, où il travaille à l'Institut fondamental d'Afrique noire (IFAN). Comme Amadou Hampâté Bâ quelques années plus tôt (l'œuvre et le parcours des deux auteurs ne sont d'ailleurs pas sans points communs), il y mène des recherches sur les traditions orales., qui déboucheront sur la publication de son dernier roman, Le Maître de la parole (1978), transcription des récits oraux sur l'empereur mandingue Soundjata Keïta (1190-1255). Camara Laye meurt à Dakar en 1920, alors qu'il travaillait à une biographie du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny.

A lire :
L'Enfant noir, Plon, 1953
Le Regard du roi, Plon, 1954
Dramouss, Plon, 1966
Le Maître de la parole, Plon, 1978


Sources : Camara-Laye.com, Valérie Thiers-Thiam

jeudi 4 février 2010

« L’Enfant noir », de Camara Laye


C’est clairement un classique de la littérature africaine et le reflet d’une époque. Celle qui précède les indépendances, puisque L’Enfant noir, de l’écrivain guinéen Camara Laye, est paru en 1953, soit cinq ans avant le référendum par lequel la Guinée s’émancipera de la France coloniale. Mais ce roman n’a probablement jamais prétendu à un tel statut. Il décrit avec beaucoup de simplicité et d’humilité l’enfance de son auteur, de Kouroussa où il est né à Conakry où il a étudié, avant de s’envoler pour la France…

Un classique, disais-je. Au même titre qu’Amkoullel, l’enfant peul, d’Amadou Hampâté Bâ, auquel on ne peut s’empêcher de penser en lisant ces « mémoires » qui ne disent pas leur nom. Les deux auteurs témoignent dans ces livres des mutations et bouleversements qui ont marqué l’Afrique au temps de la colonisation ; sans prendre parti, sans pointer du doigt ni forcer le trait ; simplement en racontant leur propre histoire. Mais, et c’est mon second point, ils ne le font pas à la même époque : alors que les mémoires d’Amadou Hampâté Bâ sont parues en 1991, après la mort de l’écrivain, L’Enfant noir est publié alors que Camara Laye n’a que 25 ans… D’où une certaine naïveté, et surtout l’absence relative de recul sur ce qu’il décrit, en comparaison d’Hampâté Bâ, pour lequel beaucoup d’eau avait alors coulé sous les ponts jetés par la France sur le fleuve Niger…

En fait, à la lecture de L’Enfant noir, on s’aperçoit vite que ce roman a été écrit pour un lectorat européen, plus précisément français – et c’est en cela qu’il reflète son époque. A ce lectorat, Camara Laye décrit, de l’intérieur, avec ses yeux d’enfants et ses mots d’adultes, les traditions d’une famille africaine de Kouroussa ; des traditions qu’il sent, avec beaucoup de lucidité, en passe de disparaître. Car le jeune garçon lui-même comprend très tôt qu’il ne suivra pas les traces de son père, forgeron réputé, et qu’il ne percera jamais les secrets qu’il perçoit seulement dans ce monde des grands peuplé de grigris et de pouvoirs, transmis de génération en génération, qu’il constate mais peine à expliquer.

De fait, le jeune Laye est appelé à suivre un autre chemin, autrement « rationnel » : celui de l’école des Blancs, sur lequel il réussit brillamment. Encouragé par son père, qui a compris lui aussi que le monde change inéluctablement ; moins par sa mère, qui aimerait le garder auprès d’elle mais ne peut qu’assister, impuissante, à son éloignement de la société traditionnelle. De cette dernière, Laye passe cependant, avec une fierté teintée d’appréhension, le rituel le plus important, celui de la circoncision, qui consacre son passage à l’âge d’homme. Mais c’est précisément à cet âge, 15 ans, que le jeune homme, partagé entre excitation et tristesse, prend le train pour Conakry afin d’y poursuivre ses études. Plus tard, ce sera l’avion, et la France…

L’Enfant noir
de Camara Laye
Plon, 1953
en édition Pocket, 221 p., 3,90 euros

Lire une autre chronique de L’Enfant noir sur Ballades et escales en littérature africaine.

lundi 1 février 2010

Dany Laferrière


Dany Laferrière est née en 1953 à Port-au-Prince, capitale d’Haïti. Il est le fils de Windsor Klébert Laferrière, qui fut maire de Port-au-Prince puis sous-secrétaire d’Etat au commerce et à l’industrie avant d’être chassé de l’île par François Duvalier, alias Papa Doc. Par peur de représailles, sa mère, Marie Nelson, l’envoie, vers 4 ans, vivre chez sa grand-mère Da, à Petit-Goâve. Windsor, Marie et Da seront des personnages marquants de l’œuvre d’inspiration autobiographique de Dany Laferrière.

A 11 ans, il retourne vivre avec sa mère à Port-au-Prince, où il fait ses études secondaires. Il devient ensuite chroniqueur culturel à l’hebdomadaire Le Petit Samedi Soir et à Radio Haïti-Inter. En 1976, son ami journaliste Gasner Raymond, alors âgé de 23 ans comme lui, est assassiné par les « tontons macoutes » de Jean-Claude Duvalier, alias Bébé Doc. Dany Laferrière quitte alors précipitamment Haïti pour Montréal, au Canada.

Il publie son premier roman, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, en 1985 : le livre est salué par la critique et ouvre la voie à neuf autres romans qui constitueront « l’autobiographie américaine » de Dany Laferrière, entre Montréal, New York et Miami, où l’auteur s’installe de 1990 à 2002. Parallèlement à son activité d’écrivain prolifique, il se consacre à l’écriture de scénarios inspirés de ses romans : Comment faire l’amour à un nègre…, Le Goût des jeunes filles et Vers le sud sont ainsi adaptés au cinéma.

Aujourd’hui, Dany Laferrière est chroniqueur sur Radio Canada et codirige avec Lyonel Trouillot le festival des Etonnants Voyageurs en Haïti. L’écrivain a reçu de nombreux prix littéraires, mais c’est avec L’Enigme du retour, récompensée du prix Médicis en 2009, qu’est venue la consécration, notamment aux yeux du public français.

Lire aussi l’échange entre Dany Laferrière et Lyonel Trouillot : « Paroles d’écrivains haïtiens »

A lire :
Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, éd. de l’Homme, 1985
Eroshima, VLB, 1987
L’Odeur du café, éd. de l’Homme, 1992
Le Goût des jeunes filles, éd. de l’Homme, 1993
Chronique de la dérive douce, VLB, 1994
Cette grenade dans la main du nègre est-elle arme ou fruit ?, éd. du Jour, 1993
Pays sans chapeau, Le Serpent à plumes, 1993
La Chair du maître, éd. de l’Homme, 1997
Le Charme des après-midis sans fin, Le Serpent à plumes, 1998
Le Cri des oiseaux fous, Le Serpent à plumes, 2002
Les Années 80 dans ma vieille Ford, Mémoire d’encrier, 2005
Vers le sud, Grasset, 2006
Je suis un écrivain japonais, Grasset, 2008
L’Enigme du retour, Grasset, 2009

Sources : Etonnants Voyageurs, Auteurs.Contemporain.info, Wikipedia